(Extrait de ses cahiers de chasse)







Préparation de la chasse



Après avoir remisé les embarcations, nettoyé et réparé les filets, on se prépare ensuite à monter dans la grande forêt " sur les terrains de chasse ". La pêche ne suffit pas pour vivre et l'on a besoin de cet appoint. Certains vivaient même plutôt de chasse que de pêche, comme Monsieur Wilfrid Jourdain. , L'as des chasseurs de son temps qui, l'été travaillait plutôt au club de la rivière trinité comme cuisinier ou bien comme guide. Il s'agit évidemment ici de la chasse commerciale et non de la chasse sportive à laquelle on se livre pour le plaisir. Certains ne s'éloignent pas beaucoup des maisons des villages. D'autres, les professionnels, s'enfoncent loin dans la forêt pour pratiquer leur métier et leurs migrations saisonnières durant assez longtemps. La région compte un bon nombre de cette sorte de vrais chasseurs : les Comeau, les Jourdain, etc... De son temps, Wilfrid Jourdain passe pour l'as des chasseurs de l'endroit. Il ne semble trouver de rival qu'à Pointe aux anglais dans la personne de Louis Langlois. Il pénétrait à de grandes distances à l'intérieur, à deux cents ou trois cents milles, trimaient dur, et rapportaient toujours de bonnes cargaisons de fourrures. Par la Pentecôte, nos chasseurs montaient à la hauteur des terres, là où cette rivière rejoint par des portages la rivière Manicouagan. Vraiment, nos trappeurs évoquent l'épopée des coureurs de bois du régime français, par leur pénétration et leur exploration de l'intérieur de la côte, par leurs connaissances géographiques, par leur habileté, leur courage, leur habitude du bois qui en forgeront des guides fort utiles aux arpenteurs, aux explorateurs, aux prospecteurs, aux sportifs. Ce métier de géant exige des connaissances précises pour la préparation adéquate, l'entreprise et la réussite de telles randonnées : savoir choisir et dresser un campement en cours de route, naviguer dans des eaux calmes ou agitées, pagayer de longues heures contre vents et marées, suivre les bonnes pistes de portage sans s'égarer et sans allonger son chemin, découvrir, installer et exploiter les meilleurs territoires, préparer, dresser les pièges et préparer les peaux de captures, survivre à tous les imprévus et ?our tous les accidents.


Avant le départ, il faut en effet, prévoir tous les achats nécessaires : provisions, ustensiles, instruments, munitions, armes, engins. Il faut s'habiller chaudement. Le chasseur porte ordinairement un bonnet de fourrure, appelé " casque de poil ", de bons sous-vêtements de laine, un machinaw, sorte de pardessus court et fourré de grosse étoffe, au col large, une culotte épaisse qui s'enfonce au genou en de chauds bas de laine, des mocassins, souliers mous, pour la marche en raquette ou des souliers tannés, huilés, plus utiles à la fonde des neiges. Après la préparation attentive que l'épouse a surveillé du coin de l'œil, afin que son mari ne manque de rien, c'est le départ, les adieux ? la famille, les souhaits des amis. Il s'y cache une certaine angoisse malgré la joie apparente de répondre du grand bois, de la vie libre au grand air pendant de longs mois. Les trappeurs partent ordinairement avec un associé. Ceux des ilets-Caribou et du voisinage montent en canot par la rivière Trinité ou " par la Pentecôte " avant les premières gelées. Si l'on doit parcourir un long trajet avant de rejoindre son territoire de chasse, on se met en route au début de l'automne, car le voyage absorbe alors des semaines. Il faudra souvent camper en route le soir, traverser bien des lacs, pagayer de longues heures, faire bien des portages, c'est-à-dire, transporter à dos, embarcations et bagages le long de nombreux rapides. On doit évidemment se contenter d'un équipement réduis au strict nécessaire, et, malgré tout, leur poids restent encore énorme et réclame de grands efforts de muscle. Les vivres se réduisent à peu de choses : farine, graisse, lard, soda à pâte, thé, sucre. Les cuisiniers des grands hôtels éprouveraient de maux de tête incurables et ne pourraient, malgré toute leur science, inventer des festins de gourmets avec si peu de variété. Nos chasseurs comptent diversifier leurs menus avec le poisson de nos cours d'eau et le gibier de la forêt. Le lard sert en engraisser les " viandes de bois " qui ne soutiennent pas assez des hommes appelés ont dépensé tant d'énergie et à subir la rigueur d'un climat qui exige tant de calories. La chair du castor, qui comporte elle-même assez de graisse, est recherchée des chasseurs, qui l'a trouve même " délicate et agréable " au goût. On ne sera pas surpris cependant de la maigreur de certains chasseurs, lors de leur retour définitif à la mer. Comme le gibier n'abonde pas toujours, on devra parfois se contenter et de manger des " blasphèmes ", un plat apprêté de farine, de poudre à pâte, de sel et d'eau, dont le seul nom suffit à exprimer l'appréciation des convives. On y mange aussi, il est vrai, de la perdrix et du lièvre, aliment de choix poursuivi par les chasseurs sportifs, mais il y manquera la fine préparation, toutes les attentions et tous les assaisonnements de la maison. Et puis, les occupations du chasseur ne lui donnent pas toujours le temps de s'appliquer à la cuisine. Un détail pittoresque vaut la peine d'être cité ici. Napoléon Alexandre Comeau au cours de ses années de trappeur avait l'habitude avec son associé d'aller visiter, le dimanche, un ami installé sur un territoire voisin : Charles Moreau, métis Montagnais qui passait pour une bonne fourchette. Leur hôte leur présentait alors comme mets de choix : " un plat de porc-épic rôti à la broche et du castor frais et fumé. Et comme menu ordinaire et banal (à son goût) : lièvres, perdrix et poissons. La chasse commerciale se pratique ordinairement en deux temps : celle de l'automne et celle de l'hiver. La première se termine au alentour des fêtes, que l'on revient passer au foyer. Certains chasseurs n'arrivent parfois à la mer que le 23 décembre. À la fin de janvier, au début de février, on reprend la direction du bois. Cette fois, il faut voyager en raquette et tirer le " toboggan " soi-même. C'est une espèce de traîneau bas, d'inspiration indienne, composé de pièces assemblées de bois mince, de bouleau de préférence, sur la côte, relevées en avant, pour transporter les marchandises et les captures durant les voyages de traite. Une fois au terme du voyage, les associés doivent construire ou réparer leurs cabanes, s'assurer d'une bonne provision de bois de chauffage, et si possible, un bon stock de viande si d'aventure un orignal, un caribou ou quelque bon gros gibier s'avise de venir saluer les nouveaux venus ou de se présenter quelque part à portée du fusil, puis, préparer les engins, les pièces et tendre les embûches le plus tôt possible. Les chasseurs occupent habituellement un campement principal élevé près d'un lac ou d'une rivière et d'autres campements secondaires ou " caches " disséminés sur leur territoire de chasse. Construit ordinairement en bois rond sur un espace d'environ 12 pieds par 10, la cabane du nemrodde la côte se composait d'une pièce unique dont le mobilier se résumait à l'essentiel : un poêle, deux lits, une table, des bancs rustiques. On ne jouissait pas encore des confortables sacs imperméables et fourrés d'aujourd'hui : on étendait des branches de sapin en guise de matelas sur les austères lits en rondin. On s'enveloppait de couvertures de laine ou de peaux de bête. Un apprenti s'accrochait parfois à un mur pour servir de réserve de peaux. On déposait la majeure partie des provisions et des bagages dans le campement principal.



Territoire de chasse




Le territoire de chasse doit être assez étendu pour un rendement satisfaisant. Un seul trappeur, écrit M. Puyjalon, suffit à " soigner une tenture " de cinquante attrapes ou pièges : et un chemin de Tenture, conduit sur un territoire de cent milles carrés, est suffisament grand pour absorber tous les instants du chasseur le plus actif. Dès leur arrivée comme nous l'avons indiqué, les trappeurs disposent leurs pièges et tendent leurs collets à raison de cinq ou six par mille, à partir du campement principal sur trois ou quatre alignements. La mise en place d'une vingtaine de collets par jour, estime-t-on, remplit une bonne journée de travail de deux trappeurs associés. On peut ainsi distribuer des pièges sur un parcours plus ou moins long et l'on dresse ici et là des camps de repos, où l'on dispose des vivres et des objets nécessaires aux randonnées, à tous les dix ou douze milles, par exemple. Un trappeur doit effectuer ce trajet chaque jour ou chaque semaine selon l'étendue de ses traquenards. Il marche à la raquette en traînant sa traîne, s'il n'a pas de chien, pour y déposer ses captures et d'autres effets. A chacune des tournées, il doit examiner ses " tentures ", vérifier la qualité de ses appâts, les dégager des chutes de neige, ouvrir et battre ses sentiers après chaque bordée, recueillir les prises, etc... C'est un travail long, minutieux, comme on peut le constater, qui exige des connaissances et des forces. Après cette visite, il lui reste à préparer les peaux, travail qui réclame quatre opérations soigneuses : dépouiller l'animal de sa robe, gratter la peau pour la nettoyer et enlever toute matière corruptible, l'étirer, et enfin, la faire sécher dans des endroits bien frais, bien aéré, loin de la chaleur et du soleil. Il reste à se débarrasser des chairs inutiles, a se préparer un souper chaud, car durant le jour on mange souvent froid en raison des occupations et des lieux, enfin, de se reposer pour reprendre la course le lendemain.


Voilà, en résumé, la vie de nos chasseurs de la côte et de la région des Ilets-Caribou. Comme on peut le constater, le métier de chasseur professionnel n'est pas une partie de plaisir malgré ses bons côtés. C'est un métier de géant, qui nécessite un apprentissage sérieux, une expérience et une habitude conséquentes, à tel point que ceux qui abandonneront ce métier pour les exploitations forestières ne pourront reprendre la chasse, au moment de la crise des " chantiers " (1929-1932); ils en auront perdu le goût, l'habitude, et se contenteront de piéger aux alentours en allant couper la provision de bois de chauffage. Nos trappeurs évoquent par bien des côtés leurs ancêtres, les coureurs des bois, en tenant compte des différences historiques différentes, dont le genre de vie a constitué un type original dans notre histoire. Maîtres de la forêt, ils en avaient acquis toute la science et tous les secrets, par leur sagacité, leur habileté à se tirer d'affaire, leur souplesse, leur facilité d'adaptation, leur esprit remarquable d'observation, leur préférence de la vie nomade au travail fixe, le goût des grands espaces, des voyages, des découvertes, le sens de l'admiration des beautés de la nature, l'affrontement courageux de tous les périls possibles, la vie du trappeur exigeaient des constitutions solides, capables de résister à toute absence de confort, à tous les rigueurs du climat, à toutes les rudesses de la vie pendant les longs mois. Elle a forgé des hommes remarquables, capable de faire face à toutes sortes d'imprévus, de vaincre toute les difficultés et de frôler la mort sans panique. Combien de fois la glace a-t-elle cédé sous leurs poids, les entraînant dans l'eau glacée, loin de leur cabane? Combien n'ont-ils pas couchés à la belle étoile dans les montées et les descentes? Combien d'entres eux n'ont-ils pas souffert de leur pleurésie à la suite de tout ces accidents, et de tout refroidissements. La mixture du roignon de castor avec le whisky en a sauvé plusieurs de la mort mais sans effacer leurs nombreuses cicatrices décelées ensuite par les rayons X sur les poumons.




Disparition d'Antonio Chouinard et de Pit Moreau



Leurs épouses et leurs parents pouvaient bien porter en eux une lancinante inquiétude jusqu'au jour du retour. Combien d'entres eux étaient partis joyeux pour répondre à l'appel du bois et pour gagner le pain de leurs familles et n'en étaient pas revenus! Tel fut le cas de monsieur Antonio Chouinard des Ilets et de Pit Moreau, son compagnon, noyés à la fin de novembre 1929, à la chasse, par la Pentecôte. Monsieur Wilfrid Jourdain, dont le territoire était le plus éloigné, s'arrêtait d'habitude d'y laisser des messages écrits pour avertir les derniers à passer de la date de départ vers le foyer.



Antonio Chouinard



Les trappeurs se rendaient entre eux toutes sortes de service. Monsieur Jourdain fut étonné de ne point les rencontrer et de ne point trouver aucun écrit de leur part. En arrivant à la mer, sa surprise se changea en angoisse et en deuil. Il parvint aux ilets, le 7 décembre au soir, plutôt que d'habitude : il apportait la triste nouvelle de la noyade probable des deux chasseurs. On espérait toujours leur retour en vain jusqu'à la limite de la date entendue. Monsieur Léon Jourdain remontait bientôt dans le bois à leur recherche, mais ses démarches ne firent que confirmer les craintes qui tourmentaient les parents et les amis. Nous lisons dans le journal de l'Île aux œufs; "18 Décembre 1929, Léon est arrivé du bois ce soir, Il n'y a plus d'espoir, tout est fini..." Au mois de juillet suivant, le 17, Eugène Jourdain et Émile Chouinard regagnaient le bois dans l'espérance de retrouver les corps, mais leurs efforts n'atteignirent pas le but. Il revinrent de leur expédition exténuée, dévorés par les moustiques. Seule la forêt garde le secret de cette dernière heure... comme celle de tant d'autres.




Les pelleteries



Le retour du printemps comportait bien des dangers. Le dégel menaçait les trappeurs et leur moisson de pelleteries. C'était une fête que leur retour au foyer, la fin d'une longue anxiété pour les épouses, les parents et les amis. Les trappeurs, de leur côté, étaient fiers d'exhiber leurs pelleteries, comme les trophées d'une grande victoire. On oubliait alors toutes les misères de la saison et l'on racontait aux intimes, au coin du feu, les moindres aventures de l'expédition. Mais bientôt commençait à affluer les acheteurs de pelleterie. On pouvait toujours aller vendre ses fourrures aux comptoirs de la Baie d'Hudson à Betsiamites, où à Sept-Iles-Moisie, mais c'était pas la coutume. En 1851, comme on le sait, la compagnie de la Baie d'Hudson perdait son droit exclusif de faire la pêche et la traite des pelleteries. A compter de cette année, les traitants isolés se ruèrent en goélettes ou en cométiques sur la rive Nord du Saint-Laurent entre Québec et le Labrador pour commercer, à mesure que les établissements se multiplient. Parmi les traitants isolés qui parcouraient toute la côte en goélette, les anciens se rappellent encore de Damasse Turgeon, de Beaumont, (père de l'honorable Elzéar Turgeon), qui avait finalement ouvert un " magasin " à Betsiamites et, de son associé François-Xavier Corriveau, de Berthier, de Joseph Blais et Narcisse, son père, d'Alfred Mercier, qui achetaient aussi des fourrures tout en faisant du " fret ", des Blouin de l'Île d'Orléans, en particulier de Philias, à bord de la " Marie-Élisabeth ". On connaît sans doute aussi Joseph Vermette dont parle le " journal de nos missions Montagnaises ", à différents endroits on y lit, par exemple, " Monsieur Vermette est venu me voir cet après-midi, j'ai fait embarquer les planches, la chaux, et les clous pour Godbout. M. Napoléon Alexandre Comeau mentionne dans son ouvrage qu'il a vendu soixante-neuf lynxs à Monsieur D. Surgeon vers 1864-1865



La maison Revillon



La puissante maison Révillon, qui apparaît sur la côte vers 1901 et qui ouvre un magasin à Sept-Îles, livre une concurrence serrée à la puissante et ancienne compagnie D'Hudson. Monsieur Placide Vigneault écrit en effet le 9 avril 1903 : " Arrivée du premier bâtiment de Québec, C'est la vapeur " Mary " d'Aignault, de la Cie Révillon & frères, gros marchand de pelleteries parisien, qui voyage sur la côte depuis un an ou deux. Ils font un magasin aux Sept-Îles ". En revenant en arrière, nous apprenons que Madame D'aignault arrivait de Bersimis au Havre en cométique le 16 mars 1902 et se rendait à Piestebé (aujourd'hui Baie-JohanBeetz) au devant de son mari qui devait y arriver en vapeur dans le cours du mois d'avril. La célèbre maison de Paris avait engagé Monsieur JohanBeetz comme principal représentant et acheteur sur la côte. On ne pouvait s'adresse à meilleure porte que chez ce grand chasseur, installé sur la côte en 1897, et marié de plus à Adéla Tanguay, fille de Sébastien Tanguay et de Louise Arsenau, de Piesthe bay (ou Piasthé) qui allait lancer la grande industrie de l'élevage des animaux à fourrure, en particulier, les renards, dans sa province d'adoption et devenir en 1829 chef de la section vulpicole du Québec. D'après Placide Vigneault, ce Belge de 23 ans serait descendu en touriste sur la côte en 1897. En janvier 1898, il se livrait à la chasse à la rivière Corneille avec Robert Doré et Joseph Boucher et capturait 17 renards dont 15 étaient des renards croisés et argentés. Monsieur Beetz serait né à Boormemkeck, au château d'Oudenhoven, le 19 août 1874. En plus de chasser, M. Beetz savait recevoir dans sa confortable villa construite au bord de la mer dans le petit village de Piaste-Baie. C'est là que se retirait le missionnaire au cours de ses missions en ce lieu. Où en était la famille des renards en 1903? Le père A.Divet , de passage au mois d'octobre; " J'allais oublier de vous dire que pendant mon séjour à " Piastre-Bay " , j'ai eu l'occasion de voir des renards noirs dont une seule peau se paye, vous le savez, entre 700 et 800 piastres. Monsieur Beetz en élève 7 magnifiques dans des cages immenses; Il possède également un ours noir qui a été pris au piège ". En 1908, la famille des renards noirs de Piesthe Bay s'élevait en une trentaine de sujets. Mais notre propos n'est pas de parler ici des succès de l'éleveur de ce village, mais de le considérer comme agent de la grande maison de Paris. L'avènement de cette nouvelle société va forcer la compagnie de la Baie d'Hudson et tous les traitants isolés à majorer leurs prix par une compétition serrée. Une véritable manne tombe sur la Côte pendant quelques années, les affaires sont bonnes. Le 17 avril 1904, le Marquis d'Aignault passe le long de la côte avec un plus grand vaisseau. Quant à Monsieur Beetz, il achète de trente à soixante mille piastres de fourrures par an. C'est à l'automne de 1900 que la cie française requérait ses services, au moment même où il allait s'embarquer sur le " St-Olaf " qui devait périr sur la " boule " quelques heures plus tard. À la fin novembre 1910, écrit encore monsieur Vigneault, " Monsieur Beetz arrive de la rivière aux graines avec un lot de renards. Il me dit en avoir acheté 552 à partir de Natashquan à ce dernier endroit pour une valeur de 54,000, et encore il n'a pas tout acheter. Plusieurs familles en ont vendu pour des montants variant de mille à deux milles dollars. " Monsieur Beetz trafiquait plutôt par en bas. La maison Révillon, qui avait ouvert des postes sur les cites du Labrador, à la Baie d'Hudson, à la Baie James, partout où sa puissante rivale tenait des comptoirs, ne pouvait négliger le reste de la côte. Elle maintenait aussi des magasins pendant quelques années à Sept-Îles et à Betsiamites. Monsieur Henri Granier, dont l'épouse lui a survécu et demeure à Pointe-Lebel chez Monsieur Adélard Chabot, semble être un des premiers agents de l'endroit. Monsieur Hubert Lemieux semble être le dernier responsable de l'établissement de Betsiamites qui aurait fermé ses portes vers 1917. Monsieur Joseph Gagnon en ensuite acheté pour la maison française. Par ailleurs, les acheteurs ne manquaient pas. Des maisons de Québec, Montréal, Toronto, et même de Winnipeg, retenaient les services d'agents aux principaux points de la côte : Renflew, Alain-Chs, Pettigrew, J.B Laliberté, Schartz, Williamson ci, etc...




Club de pêche de Baie-Trinité



Certains se déplaçaient et allaient au devant des chasseurs au sortir de leur expédition en forêt. Monsieur Schwartz accomplit lui-même plusieurs tournées. Monsieur Joseph miller de Betsiamites s'aventurait jusqu'à Natashquan et jusqu'au Labrador, C'était un connaisseur. Il ne manquait pas de s'arrêter chez les Thibault du Petit-Mai, ses parents. A Godbout, Monsieur Elzéar Morin achetait de la fourrure et se rendait jusqu'à la rivière Pentecôte. M. Benjamin Bujold , de Sept-Îles venait jusqu'à la Pointe-des Monts, au moins deux fois par hiver, et transportait en même temps le missionnaire de poste en poste. Il a laissé le souvenir d'un homme gai qui aimait à chanter, à danser, à rire Les fourrures du Labrador jouissaient d'une réputation exceptionnelle dans le monde entier en raison de leur beauté, de leur finesse et de leur éclat. Mais on ne pouvait pas les vendre très cher tant que le monopole de la Baie d'Hudson se maintient. L'entrée en lisse de la maison Révillon, répétons-le, L'élevage du renard et la faveur dont il jouissait à la fin du dix-neuvième et au début de notre siècle allaient produire une hausse de prix spectaculaire fort apprécié de nos trappeurs. On estime à trente pour cent et plus l 'élévation des coûts que cette bienfaisante concurrence produisait alors. En 1868, " une peau de renard argenté " écrit Monsieur Grégory, vaut entre 40 et 50 piastres et celle du renard noir atteint quelques fois 100 piastres et, par anomalie difficile à expliquer la peau du renard roux n'est payée que de 1 ? 2 piastres. Vers 1890, les prix ont monté à cent et cent vingt dollars, grâce à un monsieur Kakas des E.U connu sous le nom de monsieur William. Monsieur William aurait même tenu un magasin à Sept-Îles et voyagé le long de la côte à bord d'une chaloupe actionnée par un moteur dont le bruit annonçait l'approche du traitant américain. C'était un progrès pour l'époque, car les embarcations à moteur n'apparaissent et ne se multiplient sur la côte qu'à partir de 1910 environ. Les meilleures années commencent vers 1900. La valeur de la fourrure donnerait encore de bons profils aux trappeurs et aux éleveurs. On pouvait obtenir encore de trois cents à cinq cents dollars pour de belles peaux de renards, de cinquante à cent trente pour des croisés; de trente à quarante, même pour des renards rouges. Cette manne tombait évidemment sur toute la côte. En 1906, un chasseur de Sept-Îles pouvait vendre une quinzaine de peaux de renards noirs et argentés à $225 et $300. On en profite également aux ilets-Caribou et dans la région. En février 1920, Monsieur Joseph Poulin payait un renard argenté $275 à M. Philippe Jourdain. Il en avait payé un autre $400.00 en 1919. François Labrie a touché la somme de $1000.00 pour une paire de beaux renards noirs. Louis Langlois a obtenu $275.00 pour un renard argenté. En 1918-1919, on obtenait une moyenne de $25.00 pour renard rouge, de $60.00 pour les croisés.



La chasse aux loups-marins



Si l'on chasse les loups-marins du golfe Saint-Laurent parmi les animaux à fourrure, comme on a tendance a la faire pour la pelleterie, il faut ajouter les peaux de loup-marins au revenu de la chasse. Le phoque n'est pas aussi abondant que par en bas et la chasse ne se pratique pas de la même manière qu'au Havre st pierre, Natashquan, etc. C'est-à-dire sur une plus grande échelle, en goélettes, munies d'un équipage de neuf à douze hommes, la grande chasse au loup-marin, au bâton et au fusil sur les larges banquises de glace. On en chasse au fusil et on le poursuit ici en canot. On en rencontre ? L'ÎLe aux ŒUFS, aux ilets-Caribou et surtout à Pointe des Monts. On pouvait vendre les grandes peaux de ces mammifères entre 90 sous et un dollar cinquante. En 1895, les prix baissaient jusqu'à 40 et 25 cents. En 1899, chaque loup-marin rapporte une moyenne de quatre dollars (pour la peau et l'huile). Car on chasse aussi le loup-marin pour en extraire l'huile. Une épaisse couche de graisse recouvre le corps de l'animal. Le prix de l'huile a varié entre 30 sous et 80 sous le gallon. Voilà les victimes régulières de la chasse commerciale et leur valeur marchande. La chasse sportive visait d'autres cibles : perdrix, orignaux, gibiers de mer. Pouvons-nous évaluer les recettes des chasseurs des ilets-Caribou? Dans les bonnes années, un chasseur expérimenté, pouvait en tirer une moyenne de 2000 à 3000 piastres. Une facture de monsieur Joseph Poulin porte un lot de fourrure de 2,030 piastres et mentionne qu'il revient à un excellent chasseur; monsieur Wilfrid Jourdain. En décembre 1918, ou bien 1919, après la première chasse de l'automne et du début de l'hiver, Monsieur Wilfrid Jourdain avait déjà capturé des fourrures pour la somme de 1,850 dollars. Restait la chasse de l'hiver et du printemps. D'autres en vendaient pour quelques piastres. Madame Fafard-Lacasse, dans ses mémoires, rapporte que la pêche et la chasse permettent aux familles des Ilets-Caribou de jouir " d'une honnête aisance ". De son côté, l'Abbé Huard écrit, en 1895, " on estime à cinq cents piastres le revenu annuel de l'habitant des ilets-Caribou qui se livre à la chasse au loup-marin, à la pêche du hareng, du saumon et de la morue. Sans doute, il y a eu des années où les profits sont moins considérables. Mais cela n'empêche pas que beaucoup de cultivateurs et d'ouvriers des autres parties de la province doivent, même dans les bonnes années, se contenter de moindre bénéfice ".